CHAPITRE PREMIER

Attendant d’être invitée par le président Borsk Fey’lya à le rejoindre sur l’estrade, Leia Organa Solo se sentait nerveuse. Les années écoulées se rappelèrent à sa mémoire. Elle se souvint de ce qu’elle avait éprouvé lors de sa première visite au Sénat Impérial – la plus jeune candidate à avoir été élue à un poste aussi élevé.

Elle était là pour aider son père, Bail Organa, à lutter contre Palpatine et contre la folie qui permettrait à des abominations comme les Etoiles Noires d’être construites.

J’étais jeune. Ma nervosité n’avait rien d’étonnant.

La grande salle n’égalait pas la majesté de l’ancienne Chambre, où elle avait servi dans sa jeunesse, mais elle gardait tout de même une aura de « tradition » datant des débuts de la Nouvelle République.

A l’époque impériale, après la prise du pouvoir par Palpatine, il y avait une poignée de non-humains au Sénat. Les assistants des sénateurs humains…

Maintenant, les humains étaient en minorité, comme au temps de l’Ancienne République. Leia aperçut le sénateur Viqi Shesh de Kuat et un de ses telbuns, puis le sénateur Cal Omas d’Alderaan. Mais il y avait bien peu d’humains à part eux.

Et ce n’est pas parce que l’âge me fait perdre la vue !

Sinon j’étais dans l’espace, à combattre les Impériaux et à me faire tirer dessus… Ici, les attaques étaient plus subtiles, mais tout aussi mortelles…

Elle frissonna. L’ancienne chambre du Sénat avait même été bombardée…

Derrière elle, elle vit Danni Quee, la jeune femme qui, deux mois auparavant, avait survécu à l’attaque d’un groupe hostile qui avait agressé plusieurs mondes de la Bordure Extérieure.

Danni travaillait dans un site de recherche où on surveillait l’espace au-delà des frontières galactiques. Selon les observateurs, les envahisseurs venaient de là. Leur tactique impitoyable laissait penser qu’ils avaient l’intention de s’emparer d’une bonne partie de la galaxie. Leia était venue au Sénat informer la Nouvelle République de cette menace et trouver de l’aide pour les mondes de la Bordure.

A côté de la jeune femme brune se tenait Bolpuhr, le garde du corps noghri de Leia. Les Noghri se dévouaient corps et âme à l’ancienne présidente et à son frère Luke, qui s’étaient efforcés de réparer les dégâts faits par l’Empire à leur monde natal, Honoghr. Les Noghri protégeaient Leia et sa famille avec une loyauté farouche semblable à celle d’un Wookie qui a une dette à vie.

La voix de Borsk Fey’lya se fit plus aiguë : un signe de stress chez lui. Leia leva la tête, écoutant ce que disait le Bothan.

–… C’est donc avec grand plaisir que j’accueille une femme qui est plus chez elle au Sénat que quiconque ! Permettez-moi de vous présenter Leia Organa Solo, envoyée de Dubrillion.

Mieux vaut tard que jamais, pensa Leia. Vous me faites poireauter depuis assez longtemps !

Elle attendait cette audience depuis des semaines.

Fey’lya lui fit signe d’avancer. Le Bothan portait des robes couleur sable à peine plus foncées que sa fourrure crème, rappelant celles que choisissait Mon Mothma pour s’adresser au Sénat ou au peuple. Mais ce costume ne lui conférait pas la même noblesse qu’à la Calamarienne.

Leia portait des bottes, un pantalon noir et une tonique bleue. Elle avait attaché ses cheveux, consciente que ses vêtements et son allure correspondaient à l’arrière-plan martial de son rapport. Vêtue bien moins somptueusement que les sénateurs, elle espérait que cela leur rappellerait l’époque où la tenue de combat était la norme et où les décisions devaient être prises rapidement.

– Merci, président Fey’lya. Estimés sénateurs et honorables invités, je vous apporte les salutations du peuple de Dubrillion. Il souhaite que je vous informe d’une grave menace, sur la Bordure Extérieure. Une espèce inconnue a lancé plusieurs attaques. Ces impitoyables guerriers ont pulvérisé la station ExGal-4 de Belkadan. Ils s’en sont pris au monde de Dubrillion, puis ils ont détruit un vaisseau de la Nouvelle République, le Rejuvenator, à Helska, et fait exploser le monde de Sernpidal. Une fois leur base de Helska 4 localisée, nous l’avons rasée. Hélas, cela ne met pas fin à la menace.

Leia leva la tête, étonnée de constater que beaucoup de sénateurs semblaient trouver son rapport ennuyeux.

Ils savaient déjà tout cela… Maintenant, ils devront le reconnaître officiellement et agir en conséquence…

Elle consulta le databloc où elle avait saisi ses notes.

– Sur Belkadan, Luke Skywalker a trouvé les preuves d’un désastre écologique qui a radicalement modifié la composition de l’atmosphère de ce monde. Ce phénomène était lié à la présence d’un agent étranger, abattu après avoir attaqué Mara Jade et mon frère. Tout semble indiquer que nos ennemis préparaient la planète à servir de base d’invasion.

Un sénateur l’interrompit sans ménagement. Ce saurien au dos voûté représentait les différentes communautés de Baragwin.

– Si le Sénat est d’accord, j’aimerais poser une question : la personne qui parle est-elle la Leia Organa Solo qui s’est chargée de régler la querelle entre les Rhommamool et les Osariens ?

– Sénateur Wynl, vous savez parfaitement que c’est moi qui ai tenté de négocier la paix lors de ce conflit.

– Et ce sont bien les actions irréfléchies d’un Chevalier Jedi qui ont contraint les Osariens à lancer l’attaque qui plongea le système dans la guerre, tuant du même coup Nom Anor, le chef rhommamoolien ?

Leia leva les bras au ciel.

– Avec tout le respect que je vous dois, sénateur, ce conflit n’a pas grand-chose à voir, sinon rien, avec l’invasion dont je parle.

Borsk Fey’lya se tourna vers Leia.

– « Pas grand-chose, sinon rien » ? Cela suggère la possibilité d’une connexion.

– Quand il a attaqué Mara, l’envahisseur a d’abord essayé de détruire R2-D2, le droïd-astromech de mon frère. Il braillait les mêmes injures anti-droïds que les Chevaliers Pourpres de la Vie de Rhommamool lors de leurs campagnes.

Le Bothan cligna des yeux.

– Vous suggérez que les Chevaliers Rouges sont derrière l’empoisonnement de Belkadan, la destruction de Sernpidal et l’attaque de Dubrillion ? Vous prétendez qu’ils disposent d’une arme assez puissante pour arracher une lune à son orbite et la précipiter sur une planète, mais qu’ils n’ont pas pu défendre leurs chefs contre des Osariens ? Ai-je bien compris ?

– Non, Fey’lya, répondit Leia. Je doute que la créature de Belkadan ait été influencée par les Chevaliers Rouges. Mais il est possible que ceux-ci fassent partie d’un complot visant à déstabiliser la Nouvelle République.

Un sénateur rodien se leva.

– Envoyée, vous voudriez nous faire croire que votre mission a échoué à cause d’une conspiration fomentée dans une autre galaxie ?

Niuk Niuv, le sénateur de Sullust, se dressa à son tour.

– Sornettes ! Vous essayez de nous faire oublier la menace que représentent les Jedi pour la Nouvelle République. C’est un Jedi qui a envenimé la situation entre les Osariens et leurs adversaires. Vous nous dites qu’un autre Jedi vous a parlé de cet envahisseur. Je ne suis pas stupide au point de ne pas voir les efforts que fournit une Jedi pour minimiser les problèmes que son ordre a créés !

– Le Jedi de Belkadan était mon frère, Luke Skywalker. C’est un Maître Jedi !

– Qui serait mieux placé pour vouloir escamoter les erreurs de ses disciples ?

Leia se força à desserrer les poings.

– J’ai connaissance de la controverse sur les Jedi. Mais je vous demande, en toute conscience, de voir au-delà et de vous concentrer sur les faits. Une force d’invasion venue d’une autre galaxie se prépare à frapper, et elle détruira la Nouvelle République si vous n’agissez pas pour l’arrêter.

Un sénateur humain que Leia ne reconnut pas prit la parole.

– Pardonnez-moi, mais chacun sait qu’une perturbation hyperspatiale, aux limites de notre galaxie, interdit d’en sortir ou d’y entrer. Cette invasion ne peut pas avoir eu lieu !

– Si cette barrière existe réellement, ils ont trouvé un moyen de la traverser. Ils étaient là ! Il existe des preuves de leur présence dans la Bordure Extérieure.

Pwœ, le Quarren, parla à son tour.

– Je ne comprends pas, envoyée. Vous dites avoir fait partie d’une opération destinée à détruire les envahisseurs. J’avais cru deviner que vous aviez réussi.

– C’est exact.

– On n’a donc plus vu trace de ces étrangers depuis ?

– Non, mais ça…

– Non, mais…

– Avez-vous des preuves physiques de la présence des envahisseurs ?

– Quelques-unes. Deux cadavres, et deux coraux skippers.

Fey’lya sourit, montrant ses dents pointues.

– Des « coraux skippers » ?

Leia soupira.

– Les envahisseurs utilisent des créatures biomécaniques fabriquées par manipulation génétique. Leurs vaisseaux de combat sont produits à partir d’un matériau appelé « corail yorik ».

– Vous affirmez qu’ils ont utilisé des rochers pour détruire un destroyer ?

Pwœ baissa les yeux, regardant quelque chose sur son bureau.

– Leia, j’ai toujours eu beaucoup de respect pour vous. A ce titre, je vous en supplie, arrêtez ! Vous avez choisi de vous retirer de la vie publique. Et voilà que vous venez avec cette histoire invraisemblable, dans le but évident de nous retirer le pouvoir ! C’est pitoyable.

– Quoi ? cria Leia. Vous pensez que je suis venue tenter de reprendre le pouvoir ?

– Il m’est impossible de tirer une autre conclusion, dit Pwœ, écartant les bras pour prendre le Sénat entier à témoin. Vous voulez protéger votre frère et vos enfants, car ce sont tous des Jedi. Je peux le comprendre. Il est aussi clair que vous nous estimez incapables de survivre sans vous, mais tout va bien depuis la fin de la crise bothane. Nous savons tous que les humains ont un grand désir de puissance, et nous vous admirons de vous être retenue si longtemps. Mais maintenant, cette histoire…

– Vous n’avez rien compris ! cria Leia. Je vous dis la vérité ! Nous avons repoussé une avant-garde, mais l’ennemi arrive !

Le sénateur sullustéen se couvrit les oreilles avec les mains.

– Je vous en prie, Leia, ça suffit ! Votre loyauté aux Jedi est remarquable. Mais tenter de nous faire croire qu’ils pourraient nous être utiles à cause d’une obscure menace est indigne !

– C’est une réaction très humaine, dit le Baragwin d’un ton méprisant.

– Vous devez m’écouter ! cria Leia.

– Leia, je vous en prie, imitez Mon Mothma, dit Pwœ. Disparaissez sans faire d’histoire ! Le gouvernement nous appartient… Nous voulons nous souvenir de vous avec gratitude, comme d’une humaine ayant dépassé ses faiblesses…

Leia regarda les sénateurs. Un moment, elle regretta que sa vue soit toujours aussi bonne. Sinon, elle n’aurait pas remarqué le mépris sur leurs visages.

Ils ne comprennent pas, parce qu’ils ne peuvent pas se permettre de comprendre ! Ils sont si accrochés à leur pouvoir qu’ils préfèrent fermer les yeux. Et ils perdront tout à cause de leur désir égoïste de prouver qu’ils sont les seuls chefs !

Leur ignorance volontaire l’écœura ; leurs regards faussement apitoyés lui semblèrent soudain peser des tonnes.

C’est impossible ! Tout ce que nous avons gagné ne peut pas être perdu si bêtement !

Leia recula.

Mais une voix puissante retentit.

– Comment osez-vous lui parler ainsi ?

Un être à la fourrure dorée se leva. Grand et mince, il avait des rayures pourpres au coin des yeux.

– Sans cette femme, aucun de nous ne serait ici aujourd’hui ! cria Elegos A’Kla, ouvrant ses mains à trois doigts. Votre ingratitude donne raison à l’Empire, qui voit en nous des animaux !

Le sénateur rodien pointa un doigt à ventouse sur le Caamasi.

– N’oubliez pas qu’elle a fait partie de l’Empire !

– Comment pouvez-vous dire ça, sans vous apercevoir que vous avez l’air d’un idiot ? La mettre dans le même sac que les Impériaux est de la malveillance pure et simple ! Celle que l’Empire pratiquait quand ils nous opprimaient.

Niuk Niuv balaya le commentaire du Caamasi d’un geste négligent.

– Sénateur A’Kla, vos critiques auraient plus de poids s’il n’était pas notoire que vous avez collaboré avec les Jedi. Vos sympathies pour eux sont bien connues. Votre oncle faisait partie de l’Ordre, si je ne m’abuse ?

– Ma loyauté envers les Jedi ne me rend pas aveugle à ce que Leia a essayé de nous dire. Vous pouvez décider de considérer les Chevaliers comme une menace. Je suis prêt à reconnaître que les activités de certains d’entre eux sont loin d’avoir mon approbation. Mais Leia nous a parlé d’une menace pour la Nouvelle République. Refuser d’écouter pour ne pas abandonner une once de votre pouvoir est le comble de l’irresponsabilité.

– C’est facile à dire pour vous, A’Kla. Mais n’oublions pas que votre peuple doit beaucoup à Leia et à sa famille. Nombre d’entre vous sont morts sur Alderaan. La culpabilité et la charité des humains vous ont protégés pendant des dizaines d’années. Il n’est pas étonnant que vous vous dressiez pour défendre Leia, comme un chien de bataille nek léchant la main du dresseur qui le bat !

Leia n’apprécia pas la remarque. Elle revint vers le podium, se forçant à parler calmement malgré sa colère.

– Vous avez décidé d’attribuer à mes actions une quantité de raisons de mauvais aloi. C’est votre droit. Je peux comprendre vos ressentiments, même si mon histoire personnelle aurait dû vous montrer de quel côté je suis. Mais je n’ai plus l’espoir que vous m’écoutiez. Vous dites que la Nouvelle République vous appartient. Je vous félicite d’en avoir accepté la responsabilité. Quoi que vous pensiez de moi, je suis fière de vous.

« Ce qui me déçoit, c’est que vous vous renfermiez sur vous-mêmes. La force de la Nouvelle République a toujours été l’union des peuples qui la composent. (Leia haussa les épaules.) Je vous laisserai un rapport sur ce que nous avons découvert. J’espère que ces informations vous seront utiles quand vous déciderez de les consulter.

Borsk Fey’lya la suivit du regard quand elle descendit du podium.

– Qu’allez-vous faire maintenant, Leia ? demanda-t-il.

Elle soupira.

Vous avez peur que je fomente un coup d’Etat pour obtenir ce que je veux, Borsk ? Pensez-vous que je suis aussi puissante ?

– Je ferai ce qui est nécessaire. Même si la Nouvelle République m’abandonne, je n’abandonnerai pas la Nouvelle République ! Cette menace doit être combattue.

La fourrure du Bothan se hérissa.

– Vous n’occupez aucun poste officiel. Il vous est impossible d’armer des vaisseaux, d’obtenir de l’équipement, ou de donner des ordres.

Leia sourit à Elegos quand il vint se placer à côté d’elle.

– Je connais les règles, Fey’lya, les officielles et celles qui gouvernent vraiment les choses ! Je n’ai aucun désir de me dresser contre vous. Ne le rendez pas nécessaire !

Elegos posa une main sur l’épaule de Leia.

– Dans la mesure du raisonnable. Soyez prudent, toutefois. La curiosité est permise, mais la trahison sera punie. Vous me comprenez ?

Elegos fit oui de la tête. Leia l’imita.